Elle signe ses tableaux du nom de « Daphné »
Je ne sais pourquoi, mais ce pseudonyme est porteur de quelques beaux symboles. Dans l'antiquité grecque, Daphné était une nymphe, une divinité rurale, qui, poursuivie par l'ardeur amoureuse d'Apollon, fut transformée en laurier. Véréna, pour échapper semble-t-il aux banalités et aux brutalités pesantes de notre temps, s'est-elle transformée en Daphné, porteuse de lauriers ? Voici qui est prometteur pour un artiste !!
Toujours est-il que notre peintre d'origine suisse, établie à Laignes, nous offre sa vision idéalisée de la beauté picturale.
De vastes pans colorés en vertige et douceur, en délicatesse, en beauté d'âme, nous conduisent au rythme de leur partition harmonieuse. Une véritable euphonie des couleurs devenant musique et lumière, admirablement combinées entre elles, nous murmure la vaste étendue d'un univers personnel, intime, qui est l'appel au paradis de son auteur, et qui ne demande qu'à devenir le nôtre.
Marées célestes, voyages intersidéraux, vertiges du corps et de l'esprit
Ce sont marées de haute mer, énergies enthousiastes, arcs-en-ciel en délire, concertos pour couleurs entrées en sympathie. Si l'on peut parler de musique ici, ce ne sont pas les rythmes belliqueux d'un hymne national, les expressions nerveuses d'un Beethoven, ou funèbres et romantiques d'un Berlioz, ou pathétiques d'un Tchaïkovski. Non ! Quelque chose de plus volatile, sans rien qui pose et qui pèse, un univers en apesanteur, en élans de vertige, en devenir constant, en grâce perpétuelle, à la recherche d'une spiritualité haute en couleurs.
Un Jean-Sébastien Bach sans doute, un Debussy aux impressionnismes marins, ou un Olivier Messiaen, grâce à la spiritualité...ou, selon ma préférence, la musique des sphères devenue, orchestrée par Gustav Holst, « les Planètes », créée à Londres en 1918. On est dans l'harmonie des sphères, si chère aux Pythagoriciens, selon lesquels l'univers est régi par des proportions mathématiques idéales.
Tel est le cosmos, vu par Véréna,
qui nous révèle l'ordre cosmique, fruit d'un maestro génial, divin, appel de nos âmes désorientées se cherchant une échappée belle.
Car de son œuvre se dégage une inaltérable paix, une aspiration au dépassement, qui tourne le dos aux horreurs contemporaines. Une façon d'échapper aux pesanteurs du temps. Car cet art, comme tout art majeur, veut échapper à nos limites, celles de la raison autant que celles de l'espace étouffant et du temps destructeur.
Il n'y aura plus de temps
Il y a deux sortes d'artistes, ceux qui témoignent de nos infirmités, de nos faiblesses, de nos ombres, tel le sculpteur du dernier vernissage, aux gueules cassées totémiques; et il y a ceux qui cherchent la guérison, l'évasion, l'idéal, l'absolu. Nul doute ! Véréna fait partie de ces derniers.
Elle nous appelle à l'éblouissement, aux quatre saisons de l'esprit, à la chorégraphie de l'âme.
« Il n'y aura plus de temps » dit Saint Jean dans son Apocalypse ! « Il n'y aura plus de temps », me disent les tableaux de Véréna. Il y a, dans cette odyssée de l'espace, la sérénité, la liberté, la beauté, le calme et la volupté du regard qui s'enchante et devient spirituel. Pour un peu, on en pleurerait d'espérance, avant de retomber dans notre pesanteur.
Michel Lagrange,
lauréat de l'Académie française